On Majlisism: spatial studies and prototypes by Pierre Paulin
Istanbul, Turquie

Typologie à part entière, le majlis tel que nous le connaissons se traduit directement de l’arabe par « salon », le concept d’humble réunion étant à la base de son existence. Son échelle varie de la fonction domestique la plus élémentaire – accueillir la famille et recevoir des invités – à la grande échelle des assemblées législatives et des instances administratives délibérant sur les affaires politiques et sociales. C’est pour cette raison que le mot a été adopté par la suite pour signifier « conseil » composé des aînés et des dirigeants dans de nombreux pays et cultures islamiques. L’apprentissage et la transmission du savoir des anciens aux enfants se font par l’écoute d’histoires, de poèmes et de dialogues, ainsi que par l’observation des manières et de l’étiquette.

D’un point de vue architectural, un majlis est composé d’espaces pour les assises – dans un cadre conçu, il s’agit simplement de dossiers et d’accoudoirs rembourrés -, d’un espace pour s’asseoir sur le sol et d’un espace partagé au milieu. Cette configuration peut toutefois se retrouver dans de nombreux contextes différents : un groupe de chaises à l’extérieur d’une épicerie où les gens partagent le thé et les nouvelles du quartier, un porche d’entrée ou une véranda dont la porte est toujours ouverte, ou un cercle de débat politique dans une librairie militante, où tout le monde peut se joindre à l’assemblée.  Majlis est également un verbe, à l’instar du terme « salon » ; ce qui le différencie de son homologue occidental est peut-être qu’il fait partie intégrante de la vie et de la conception des espaces dans les contextes où il est pratiqué.

Majlis est l’un de ces mots qui, pour moi, est puissant d’un point de vue architectural – précisément parce qu’il est mi-nom, mi-verbe – il suggère une action et un rituel et ne nécessite que très peu d’incitations spatiales – mais ces incitations spatiales donnent lieu à des projets de conception très intéressants. La sagesse de s’asseoir près du sol est familière à de nombreuses cultures – Asie du Sud, Afrique, Japon, monde arabe et au-delà – et a été un point de départ pour le travail de Pierre Paulin dès les années 1950.

Le prototype du Tapis-Siège de Pierre Paulin est simplement constitué de dossiers de sièges situés dans des coins séparés, reliés par une surface commune : un espace partagé au centre pour le thé ou le repas. Ce qui n’est pas sans rappeler les mécanismes séculaires des majlis bédouins. Des résonances immédiates avec tant d’environnements similaires dans les foyers – un dastarkhan avec mes cousins dans l’enfance ; l’iftaar lors d’une manifestation à Bo-Kaap, le quartier malais du Cap ; une poissonnerie à Al-balad avec des amis une centaine de fois.

Sumayya Vally