Une exposition en collaboration avec Lee Jung-Jae
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Pierre Paulin souhaite devenir sculpteur, mais un accident vient contrarier ce destin l’obligeant à reconsidérer sa trajectoire professionnelle.
Sous l’influence de son oncle, le dessinateur automobile Georges Paulin, il se dirige lui aussi vers le dessin, et plus particulièrement vers la création de mobilier. Il garde cependant comme une obsession son approche sculpturale de l’objet et l’idée que ses modèles puissent être vus sous tous les angles, sans défaut, telles de véritables sculptures fonctionnelles.
À la fin des années 50, la découverte des textiles extensibles, utilisés dans l’industrie du maillot de bain, offre à Paulin le moyen de matérialiser sa vision : adoptant les structures tubulaires, emblématiques du Bauhaus, comme ossature de ses créations, il les revêt de mousse Pirelli pour le confort puis les recouvre d’une housse en tissu extensible qui se moule avec précision à leur silhouette, dévoilant une entité monolithique et organique.
Cette transformation formelle marque une rupture avec les conceptions traditionnelles et bourgeoise du mobilier, elle propulse les créations de Paulin sur la scène internationale, instaurant une influence pérenne sur ses pairs. Des institutions muséales de premier plan, telles que le MoMA à New York font entrer le mobilier de Paulin dans leurs collections, célébrant ainsi l’avènement d’une ère nouvelle, à la fois organique et fonctionnelle, dans le paysage du design.
Néanmoins, l’impact visuel de ses œuvres est tel que nombre de ses contemporains éprouvent alors des difficultés à assimiler ces nouvelles formes comme appartenant à leur temps, les reléguant plutôt à une vision futuriste. Des pièces emblématiques telles que le“Ribbon Chair” (1967), le “Mushroom” (1959), la “Tongue Chair” (1963), ou encore le “Groovy” (1964), se retrouvent alors fréquemment à l’écran, dans des productions cinématographiques et télévisuelles de science-fiction des années 60, 70, servant à la fois de décors voir presque d’acteurs à part entière, incarnant de manière idéale le concept d’un monde à venir.
Les créations de Paulin ont continué d’évoluer et de se renouveler des années 50 aux années 90 suivant les défis qu’il était amené à relever et toujours avec un profond désir de modernité. Il a également mené de nombreux projets d’aménagements d’envergure, notamment pour le Musée du Louvre et le Palais Présidentiel de l’Élysée sous Georges Pompidou, puis François Mitterrand. Dans ces espaces, Paulin a projeté ses structures tubulaires à partir des assises, s’appropriant entièrement l’espace architectural et transcendant le cadre bâti pour créer un environnement intime et sécurisant, une vision totale du sol au plafond.
Plus de soixante ans après leur création, les œuvres de Pierre Paulin continuent d’être utilisées dans le cinéma, non pas pour évoquer une nostalgie rétrofuturiste, mais bien pour continuer à représenter la vision persistante d’un futur qui semble refuser de vieillir.