En 1968, Paulin a collaboré avec Herman Miller sur un projet visant à réinterpréter le programme Action Office de Miller pour un cadre résidentiel. Paulin a conçu l’ensemble du concept en six maquettes ; l’objectif du projet était de construire et de déconstruire, permettant ainsi au mobilier de devenir le compagnon de l’utilisateur, en rendant possible le dépassement des limitations du design d’intérieur et en permettant à chacun de devenir l’architecte d’espaces dédiés à la vie et au travail. Contraint par des paramètres industriels, le projet n’a jamais été produit par Miller et n’a existé que sous forme de prototypes qui sont restés pendant des années chez Paulin. Les maquettes de Paulin, numéros zéro à cinq de la maquette d’aménagement intérieur, font désormais partie de la collection du Centre Georges Pompidou. En 2014, le projet a été officiellement réalisé pour la première fois par Paulin, Paulin, Paulin, un projet familial dédié à la préservation et au développement de l’œuvre du designer.
Dans le concept de design utopique de Paulin, l’utilisateur pouvait combiner des espaces et des modules en fonction de sa culture personnelle, de sa conception psychologique de soi-même et de l’image qu’il souhaitait projeter. Dans son futur, l’utilisateur pouvait créer sa propre histoire, basée sur son expérience personnelle de la vie. Trois créations—Dune, Déclive et Tapis-Siège—incluses dans l’exposition au 101 Spring Street, étaient des prototypes de projets non réalisés du vivant de Paulin. Conçu à l’origine en 1970, l’ensemble Dune est composé de modules pouvant être disposés en différentes configurations pour créer des variantes de salon propices à la détente et à la convivialité. Le design découle de sa fonction ; la méthodologie de Paulin était centrée sur l’importance du corps et de son confort en relation avec les différentes activités et intentions pour les espaces de vie. Dans l’installation de la Judd Foundation, Dune se compose de vingt-cinq modules distincts et d’une table d’appoint, ouvrant ainsi à de nombreuses possibilités de conception de l’espace.
La dernière pièce de l’exposition, Tapis-Siège, conçue en 1972, présente une configuration de dossiers rembourrés et de plis relevés connectés par une surface commune. Exemple des « tapis-sièges » de Paulin, cette pièce modulaire au sol se relève aux coins pour délimiter l’espace et la fonction. Le design met en avant la préoccupation de Paulin quant à la manière dont le design devrait repenser les concepts sociaux et les espaces de vie, illustrant son intérêt pour le sol comme surface de nouvelles possibilités. Produit indépendamment par le designer pour sa maison familiale de la Rue des Ursulines, Tapis-Siège s’inspire des tatamis et des traditions spatiales du design japonais, consistant à s’asseoir près du sol et à partager des espaces communs. Avec ce projet, le corps détermine sa relation avec l’espace environnant, donnant la priorité à un usage personnalisé.
Nés à un an d’écart, Paulin et Donald Judd abordaient le design comme des systèmes auto-consistants. Dans chaque cas, ils partaient d’idées individuelles sur ce qui constituait un bon design, puis développaient à partir de là, chacun finissant par créer des univers complexes au fil des ans. Paulin, comme Judd, anticipait l’alliance nécessaire entre un monde en mutation et de nouvelles techniques de production pour informer le rôle du design à un niveau micro et macro.
En parallèle de l’exposition, la Judd Foundation organisera une conversation avec Flavin Judd, directeur artistique de la Judd Foundation ; Benjamin Paulin, cofondateur de Paulin, Paulin, Paulin ; et Alexandra Cunningham Cameron, conservatrice du design contemporain au Cooper Hewitt, Smithsonian Design Museum. Les billets pour ce programme seront mis en vente en novembre.